Entretien avec Brice
Deymié, aumônier général des prisons pour la Fédération protestante de France
BD : - Mon
parcours est assez classique. Elevé dans une famille protestante, à moitié
alsacienne à moitié montalbanaise, je souhaite assez tôt devenir pasteur mais
mon père m’encourage à faire d’autres études avant, pour mûrir mon choix. En
fils obéissant, je m’inscris aux langues’o et je fais cinq ans de chinois, puis
mon service militaire, puis enfin des
études de théologie. Et je deviens pasteur à l’âge de trente ans. Je suis marié
avec une journaliste, aujourd’hui dans la presse féminine, après avoir longtemps travaillé dans la presse
musicale.
FT :
Qu’aimez-vous particulièrement dans votre ministère ?
BD : Très
tôt j’ai eu envie de réfléchir sur Dieu. Or il se trouve que mon grand-père paternel
étant presque aveugle mes frères et moi, quand nous venions en vacances chez
lui à Montauban, devions lui lire la
presse quotidienne, Le Monde, la Dépêche du Midi, des papiers administratifs et
…la Bible… Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était la commenter !
Alors, dès l’âge de douze ans, ce texte m’a façonné. Mais toujours comme un
texte à commenter, à décortiquer, à mâcher. Le Dieu naïf de mon enfance a
rapidement fait place à un Dieu qui se donne à lire dans la complexité de sa
révélation. Dans la famille il n’y avait aucune question taboue sur la foi. Mes
parents et mes grands-parents avaient la conviction d’une grande supériorité du
protestantisme sur toutes les autres religions. J’avais un oncle pasteur et
professeur de théologie à Genève. Il écrivait des livres qu’adolescent
j’essayais de comprendre sans beaucoup de succès ; mais je savais que l’on pouvait faire des
études de théologie.
J’ai longtemps hésité entre agriculture et théologie, et ce
fut théologie ! Parfois je regrette
un peu de n’avoir pas fait les deux. Le rapport brut à la terre et à l’animal
me manque.
J’ai été pasteur en paroisse dans les Yvelines et à Paris,
la profession de ma femme ne nous permettant pas beaucoup de nous aventurer
loin de Paris. Il se trouve qu’en plus de la paroisse j’ai toujours desservi
une prison.
Ce que je préfère dans le ministère pastoral c’est le culte
du dimanche matin. C’est ce qu’il y a de plus important dans la vie paroissiale
et j’aurais souhaité que le dimanche entier devienne le jour de l’Eglise, comme
dans beaucoup d’endroits de par le monde, quelque chose à la fois de festif et
de sérieux. Pour les jeunes et les moins jeunes. A Paris c’est difficile. Ce qui est très
important, c’est de travailler la prédication, deux jours de travail plein par
semaine. Puis-je le dire ici ? Beaucoup
de prédications que j’ai l’occasion d’entendre souffrent d’un manque évident de
travail.
Mais quand on
est pasteur de paroisse on se disperse trop à des tâches annexes. Je me
rappelle d’un de mes professeurs qui nous disait qu’il ne fallait pas avoir
peur de la page blanche de notre agenda.
La chance de notre protestantisme luthéro-réformé c’est la qualité de sa
réflexion théologique, c’est la pertinence de nos questions, ne jamais se
contenter de mots d’ordre et d’histoires
pieuses qui rassurent…..
La deuxième partie de cet article sera publiée le mardi 14 juin. Brice Deymié nous parlera de son ministère d’aumônier des prisons.