mardi 28 juin 2016

Venue de Karen Smith en région Centre Alpes-Rhône 18-25 Mai 2016

Trois témoignages :

Liliane Buthion et Françoise Sternberger, la Sarra, paroisse protestante unie d’Oullins

« Jeudi 19 Mai, une soirée d’échange nous était proposée autour du Notre Père du Christianisme et d’al Fatiha de l’Islam par Karen Smith. L’Imam d’Oullins était présent ainsi que des membres du nouveau groupe inter religieux.

Karen avec la contribution de l’imam, nous a conduits dans une réflexion très intéressante sur les parallèles à faire entre ces deux prières, sur le cheminement commun de la prière à Dieu, qu’elle soit chrétienne ou musulmane. En découvrant  la richesse des mots de ces prières, que les traductions en français ne rendent pas forcément, nous avons ainsi pu comprendre un peu mieux comment s’exprime la foi d’un musulman lorsqu’il s’adresse à Dieu, ce Dieu commun à nos deux religions. La présentation de Karen, avec les interventions de l’imam, a donné suite à un partage par petits groupes, qui a impliqué chacun dans ce travail d’écoute de la prière de l’autre. »


Véronique Amadaon, Montluçon

« Nous avons eu la chance de pouvoir accueillir, les 20 et 21 Mai, Karen Smith, pasteur au Maroc. Notre petite paroisse de l'EPUdF avait choisi d'organiser sa rencontre en deux temps. Karen Smith a donné une première conférence publique, ouverte à tous, où elle rendait témoignage de son vécu du dialogue interreligieux en terre d'Islam. Elle nous a transmis son enthousiasme et nous a exprimé sa volonté de s'enrichir mutuellement.

Le lendemain, elle intervenait dans le cadre du CCM, groupe de relations entre les différentes communautés religieuses de Montluçon. Après un repas-partage chaleureux, elle a animé, avec ardeur, un échange fort intéressant, autour du parallèle entre la prière musulmane Al Fatiha et le Notre Père.

Durant ce trop court moment d'incitation à la Paix, elle nous a confortés dans la nécessité d'ouvrir encore un peu plus l'espace de nos tentes... »

Thierry Ziegler, St-Péray

Karen Smith, baptiste américaine, est pasteur de l'Eglise évangélique du Maroc. Aumônier chrétien de l'Université Al Akhawayn à Ifrane, elle collabore aussi à l'Institut œcuménique de Théologie Al Mowafqa qui forme des pasteurs au ministère en contexte interreligieux. En lien avec le Défap, elle était le 24 mai au temple de Bourg-lès-Valence. En dialogue avec l'imam Deliouah de la mosquée de Valence, elle a proposé une introduction passionnante à la prière musulmane par l'étude de la sourate d'ouverture du Coran (Al Fatiha). Le musulman pratiquant prie cette sourate 17 fois par jour. Son texte peut être mis aisément en parallèle avec celui du Notre Père. La structure est identique : adresse à Dieu (Notre Père qui es aux cieux...), adoration (Que ton nom soit sanctifié...), soumission (Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre...), supplication (Donne-nous notre pain... Délivre-nous du mal...) et conclusion. Si le contenu est différent, la distance entre les deux prières, et donc entre les deux spiritualités, n'apparaît pas comme infranchissable. On a moins peur de ce qu'on a appris à connaître et à respecter. Merci Karen !
 

 
 

mardi 14 juin 2016

Entretien avec Brice Deymié, aumônier général des prisons - 2ème partie


FT : Brice Deymié je vous ai toujours connu « en prison » ! Etait-ce un choix de votre part ? Qu’y avez-vous découvert ? Cela vous-a-t-il transformé ? 

BD : J’ai découvert l’aumônerie de prison non par choix mais par volonté de la paroisse de Versailles.  A mon arrivée comme proposant on m’a dit que je devais desservir la prison ; c’était en quelque sorte dans le cahier des charges de la paroisse (cela a bien changé depuis hélas !!!). Je n’avais pas envie d’y aller car le monde de la prison m’était totalement étranger et je n’avais pas été formé pour cela. Heureusement un laïc de la paroisse était déjà aumônier ; c’est avec lui que j’ai appris le métier et que la vocation m’est venue. Je ne le remercierai jamais assez. Il s’appelait Paul Gaudenzi, il est mort il y a quelques années. L’inattendu de la prison c’est que dans ce milieu de promiscuité et de violence, dans ce monde que l’on pense abandonné de Dieu, à l’instar du livre de Carlo levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli, on l’y découvre quand même, là où l’humanité persiste à croire qu’une espérance est possible. Forcément la prison ça transforme. En prison on ne rencontre pas des gens ordinaires, on rencontre des parcours de vie totalement fracassés. Et ces vies,  qui ont conduit à des actes criminels ne peuvent pas nous laisser indifférents. On partage une commune humanité ! Et justement,  où va l’humanité ? Essayons par ne pas être submergés par l’inhumanité.

FT : Quelles sont vos responsabilités actuelles ?
BD : Je suis actuellement aumônier national des prisons pour la Fédération protestante de France, c’est-à-dire que je m’occupe des quelques 320 aumôniers protestants qui exercent leur ministère dans les 190 établissements pénitentiaires que comptent la Métropole et l’Outre-Mer.  Je suis le vis-à-vis de l’Administration pénitentiaire pour les questions qui ont trait à ‘aumônerie.  Tous nos aumôniers sont bénévoles et sont pour 60% d’entre eux des laïcs. Ils sont issus de toutes les Eglises membres de la FPF et pour 24% d’entre eux d’Eglises non-membres de la FPF. 20% des aumôniers sont issus de l’EPUF.

FT : Y a- t- il un travail œcuménique en prison ? Et interreligieux ? :
BD : Pour des raisons liées à l’histoire, les aumôniers chrétiens sont les plus nombreux dans les prisons françaises (1000 aumôniers chrétiens environ) alors qu’il n’y a que 200 aumôniers musulmans. Cette disproportion est due, d’une part à la difficulté de l’Islam de France à organiser ses courants,  et d’autre part au fait que le recrutement d’aumôniers est difficile parce que le travail diaconal en prison ne fait pas du tout partie des coutumes musulmanes, de l’ecclésiologie oserai-je dire. Les musulmans demandent au gouvernement que l’aumônier de prison puisse avoir un statut de salarié comme celui des aumôniers militaires ou des aumôniers des hôpitaux. Dans la mesure du possible, nous essayons de montrer aux détenus que les religions peuvent s’entendre entre elles. Pour moi c’est un témoignage fondamental, au milieu d’une époque troublée et de recherche identitaire frénétique.  Le chacun pour soi et Dieu reconnaîtra les siens est une attitude suicidaire. Beaucoup d’initiatives œcuméniques ont lieu dans les prisons françaises, et quelques timides avancées inter-religieuses. La tâche à accomplir est énorme.

FT : Vous êtes favorable à « la justice restaurative ». De quoi s’agit-il ?
BD La justice restaurative considère que le crime ou le délit,  ce n’est pas d’abord une loi que l’on enfreint, mais des liens que l’on brise. La justice restaurative va s’attacher à identifier ces liens, et à mesurer l’importance de la restauration à envisager. Pour donner un exemple : Si l’on vous vole votre voiture, votre objectif sera-t-il de voir le coupable aller en prison ou que l’on vous restitue votre véhicule ? La justice restaurative travaille pour que l’infracteur, de lui-même, restitue la chose volée et peut-être s’excuse. La justice restaurative s’applique aussi à des crimes plus graves, même si la rencontre entre victimes et infracteurs ne pourra pas se fonder sur la restitution de la chose enlevée mais sur les conséquences du crime sur la victime.  A ce sujet je vous invite à lire le livre d’Howard Zehr, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Genève, Labor et Fides, 2012.

FT : Et vous me parliez du cas de la Nouvelle Calédonie ?
En Nouvelle Calédonie, il est maintenant possible d’introduire une partie du droit coutumier dans le droit pénal. Autrefois ce n’était possible que dans le droit civil. Ce droit coutumier a évidemment beaucoup de choses à voir avec la justice restaurative.
 
 

mardi 31 mai 2016

Brice Deymié, aumônier général des prisons

Entretien avec Brice Deymié, aumônier général des prisons pour la Fédération protestante de France
FT : - Brice, d’où vous vient votre vocation ?
BD : - Mon parcours est assez classique. Elevé dans une famille protestante, à moitié alsacienne à moitié montalbanaise, je souhaite assez tôt devenir pasteur mais mon père m’encourage à faire d’autres études avant, pour mûrir mon choix. En fils obéissant, je m’inscris aux langues’o et je fais cinq ans de chinois, puis mon service militaire,  puis enfin des études de théologie. Et je deviens pasteur à l’âge de trente ans. Je suis marié avec une journaliste, aujourd’hui dans la presse féminine,  après avoir longtemps travaillé dans la presse musicale.
FT : Qu’aimez-vous particulièrement dans votre ministère ?
BD : Très tôt j’ai eu envie de réfléchir sur Dieu.  Or il se trouve que mon grand-père paternel étant presque aveugle mes frères et moi, quand nous venions en vacances chez lui à Montauban,  devions lui lire la presse quotidienne, Le Monde, la Dépêche du Midi, des papiers administratifs et …la Bible… Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était la commenter !
Alors, dès l’âge de douze ans,  ce texte m’a façonné. Mais toujours comme un texte à commenter, à décortiquer, à mâcher. Le Dieu naïf de mon enfance a rapidement fait place à un Dieu qui se donne à lire dans la complexité de sa révélation. Dans la famille il n’y avait aucune question taboue sur la foi. Mes parents et mes grands-parents avaient la conviction d’une grande supériorité du protestantisme sur toutes les autres religions. J’avais un oncle pasteur et professeur de théologie à Genève. Il écrivait des livres qu’adolescent j’essayais de comprendre sans beaucoup de succès ;  mais je savais que l’on pouvait faire des études de théologie.
J’ai longtemps hésité entre agriculture et théologie, et ce fut théologie !  Parfois je regrette un peu de n’avoir pas fait les deux. Le rapport brut à la terre et à l’animal me manque.
J’ai été pasteur en paroisse dans les Yvelines et à Paris, la profession de ma femme ne nous permettant pas beaucoup de nous aventurer loin de Paris. Il se trouve qu’en plus de la paroisse j’ai toujours desservi une prison.
Ce que je préfère dans le ministère pastoral c’est le culte du dimanche matin. C’est ce qu’il y a de plus important dans la vie paroissiale et j’aurais souhaité que le dimanche entier devienne le jour de l’Eglise, comme dans beaucoup d’endroits de par le monde, quelque chose à la fois de festif et de sérieux. Pour les jeunes et les moins jeunes.  A Paris c’est difficile. Ce qui est très important, c’est de travailler la prédication, deux jours de travail plein par semaine. Puis-je le dire ici ?  Beaucoup de prédications que j’ai l’occasion d’entendre souffrent d’un manque évident de travail.
Mais  quand on est pasteur de paroisse on se disperse trop à des tâches annexes. Je me rappelle d’un de mes professeurs qui nous disait qu’il ne fallait pas avoir peur de la page blanche de notre agenda.  La chance de notre protestantisme luthéro-réformé c’est la qualité de sa réflexion théologique, c’est la pertinence de nos questions, ne jamais se contenter de mots d’ordre  et d’histoires pieuses qui rassurent…..

La deuxième partie de cet article sera publiée le mardi 14 juin. Brice Deymié nous parlera de son ministère d’aumônier des prisons.

mardi 17 mai 2016

Montrer la bonté de Dieu à travers la beauté du monde

Entretien avec Marie-Hélène Geoffroy rencontrée au synode Nord-Normandie pour le Blog du Forum
Mission : montrer la bonté de Dieu à travers la beauté du monde
Florence Taubmann : Marie-Hélène, je vois devant moi un magnifique comptoir-librairie, avec des livres théologiques, mais aussi des ouvrages d’art … des cartes-dessins ! Vous êtes une artiste ?
MHG : Oui je suis graveur sur cuivre et acier, mais j’utilise aussi d’autres métaux et des pierres précieuses. Je suis particulièrement sensible à la beauté, au langage de la beauté, qu’il s’agisse de la nature ou des œuvres d’art. Alors vous imaginez, en épousant un pasteur protestant, moi qui suis d’origine catholique, j’ai rencontré une tradition qui au contraire marque une certaine réserve par rapport à l’esthétique. J’avoue avoir été parfois un peu rebutée par l’austérité protestante, même si je me suis trouvée bien dans ma nouvelle famille spirituelle.
FT : Comment est né votre projet d’édition ?
MHG : Mon mari et moi sommes passionnés par les livres, notamment ce qui touche à l’illustration et aux images. Comme ce n’est pas du tout le créneau d’Olivetan, nous avons éprouvé depuis un certain temps le désir de nous lancer nous-mêmes dans l’édition. Aussi lorsqu’une amie nous a proposé de réaliser des kamibishaïs, nous avons franchi le pas.  
FT : Des kamibishais ? Qu’est-ce que c’est ?
MHG : Littéralement cela signifie en japonais « pièce de théâtre sur papier ». C’est une sorte  de théâtre ambulant où des artistes racontent des histoires en faisant défiler des illustrations devant les spectateurs. Depuis les années 1970, le kamishibai s'est répandu dans largement en s’adaptant aux conditions culturelles des pays d'accueil. 
FT : Et vous utilisez cette technique pour raconter la Bible ?
MHG : Oui, nous aurons bientôt plus d’une trentaine  de Kamibishaïs, sur Caïn et Abel, Abraham, Moïse, Jonas…. Jésus et des histoires des Evangiles…. C’est un très bon moyen d’animation pour les groupes d’enfants, mais aussi pour les adultes…. Cela permet de transmettre les récits bibliques  de manière vivante, en ménageant des surprises, des émotions, et en appelant des commentaires. 
Le Pasteur Isabelle Bousquet
FT : Vous avez également publié des livres sur les plantes et les animaux de la Bible, l’Ecclésiaste…. et bien d’autres.
MHG : Oui, il s’agit toujours de faire entendre, lire et voir … ce qui peut, grâce à la beauté,  nous conduire à faire l’expérience de Dieu.  Vous pouvez voir tout ce que nous faisons sur notre site : http://www.passiflores.com/
Éditions Passiflores L’Herbaille Le Bourg de Boyer F - 71700 TOURNUS

mardi 3 mai 2016

Groupe de maison - Témoins et solidaires



Depuis quelques années, en périphérie des centres de rencontres paroissiaux, fleurissent  des groupes de maison. Paul et Christiane Mercier ont essayé la formule en ouvrant leur maison de Dompierre- sur- Mer en Charente- Maritime, située à une dizaine de kilomètres du centre protestant de l’Église protestante unie de La Rochelle.
Trois questions à  Christiane Mercier
Comment vous est venue l’envie d’organiser un groupe de maison chez vous ?
Cette décision est née au lendemain d’un grave accident cardiaque de mon mari. Il était comme mort, mais après  trente- cinq minutes de défibrillation et de prière, il est revenu à lui.
Ce temps retrouvé a été le déclic. Nous avons rendu grâce pour ce que nous avons reçu comme un supplément de vie et il n’était pas question de gaspiller une miette de ce don.
Étant âgés, il nous était difficile de participer aux activités habituelles de la paroisse, mais nous avions grande envie de rencontrer les uns et les autres, en particulier nos voisins. Ce n’était pas uniquement pour avoir des visites, bien qu’elles soient très précieuses, c’était le besoin de continuer ce que nous avons toujours essayé  d’être, présents au monde et aux autres. En 1952 nous avions fait une demande pour être missionnaires…
Nous avons parlé de notre projet à notre pasteur qui nous a encouragés.
Considérez-vous votre groupe comme une antenne des activités paroissiales ?
Bien qu’en lien avec l’église locale, en particulier par la participation de notre pasteur,  nous nous situons  plutôt par rapport à notre foi. Nous sommes chrétiens, de confession protestante. Ce qui nous importe avant tout c’est de croiser nos regards, nos convictions, nos doutes avec d’autres personnes, croyantes ou non… Nous essayons d’apporter un regard chrétien sur les grands problèmes qui traversent notre société. Pour cela le groupe partage un temps d’échange puis de convivialité autour d’une agape.
Cela permet à chacun de s’exprimer, voire de se confier, et de découvrir des échos bibliques à nos réflexions.
Quels sont les sujets que vous abordez ?
Nous avons intitulé notre groupe de maison «  Témoins et solidaires ». Par ce titre nous signifions que nous voulons nous laisser interpeller par le monde. Nous sommes âgés maintenant, mais ce n’est pas une raison pour renoncer à notre engagement. Nous avons une grande partie de notre vie été des piliers de la Mission populaire évangélique. Le groupe de maison est pour nous une expérience nouvelle. Préparer les réunions nous oblige à creuser le sujet, en sélectionnant des articles, des textes, en invitant des intervenants reconnus dans leur spécialité. Nous avons abordé jusqu’à présent des thèmes aussi variés que la faim dans le monde, le statut de la femme, la fin de vie, la laïcité, l’écologie, la nutrition… A chaque fois nous nous posons la question : Comment en tant que citoyens sommes-nous interpellés ?  Le fait d’être chrétiens  nous engage-t-il  différemment? Quelle parole osons-nous ? Une chose est sûre, en tout cas, si nous ne pouvons pas aller physiquement vers le monde, en ouvrant notre porte, c’est lui qui vient à nous. Bien que nous soyons immobiles, notre bâton de pèlerin nous mènera... Nous sommes en chemin avec les  autres, vers les autres, avec le sentiment d’appartenir à la même communauté humaine, d’avoir des choses à donner et à recevoir …

Propos recueillis par Janick Pilot


mardi 5 avril 2016

Retour sur le camp de jeunes à Tahiti en juillet 2015


L’association Soleil et Santé a organisé un camp dont le contexte est un échange de jeunes entre l’Eglise protestante unie de France et l’Eglise protestante Maohi, en Polynésie Française. 18 jeunes et 3 encadrants de l’EPUdF participaient à ce camp qui s’est déroulé en juillet dernier. Ce projet est né d’une première rencontre de polynésiens lors du camp «Prépare ton Kiff» de 2013.
Découvrir l’autre
Ce voyage était l’occasion pour les jeunes de bâtir un projet avec leurs amis Maohis sur trois axes : la rencontre interculturelle, la vie spirituelle et le témoignage dans la dynamique d’une « Eglise de témoins ». Ils ont pu découvrir la culture Maohi avec, entre autre, la capacité de donner sans vouloir quelque chose en retour, un amour gratuit et abondant. Mais ils sont sans doute restés perplexes sur l’articulation entre la foi chrétienne, rejetant toute autre puissance que celle de Dieu, et les « croyances » entourant certains lieux comme le marae. Cette découverte leur a permis aussi de se questionner sur qui est vraiment Dieu pour eux.
Cheminer ensemble
Le protocole nécessaire a peut-être rendu la mise en place du projet un peu délicate. Mais les moments de spiritualité donnèrent toute la dimension de ce témoignage. Témoigner pour les autres les amenait à vivre un témoignage pour eux-mêmes. Cette rencontre vécue ensemble leur laissera une trace profonde de cette phrase retenue par Cynthia Mohila : « Dieu nous a amenés ici à Tahiti, ce projet on l’a préparé, maintenant il faut faire confiance au Seigneur et Il nous mènera là où Il veut que l’on aille. »
Se dire au revoir dans la satisfaction d’avoir vécu une expérience unique dans les rues de Papeete et dans l’émotion de chants et prière en plein milieu de l’aéroport de Roissy … C’est ça aussi être « Une Eglise de témoins » !


mardi 22 mars 2016


Portraits de deux missionnaires à la double culture - 2. Simon ASSOGBA

Animateur théologique et membre de l’Eglise Protestante Méthodiste de France,  Simon Assogba, marié et père de trois grands enfants (18, 15 et 10 ans), est également membre de l’Equipe Régionale Mission de la région parisienne.
Un homme engagé dans l’Eglise Protestante Méthodiste de France
L’Eglise Protestante Méthodiste de France est née le 1er décembre 2015. Elle est le fruit de rassemblement des frères et sœurs venant de divers horizons : Bénin, Côte d'Ivoire et France. Cette communauté, d’expression française, à laquelle participe Simon, souhaite se rapprocher de l’EPUdF et a choisi des statuts qui la différencient des autres  Eglises Méthodistes.
L’histoire des Eglises Méthodistes en région parisienne a été mouvementée ces dernières années. Car la plupart de ces Eglises sont administrées depuis des milliers de kilomètres et elles ne baptisent pas les enfants, ce qui est un point important de leur doctrine. Alors que les Protestants Méthodistes de la communauté de Simon  ont la tradition de baptiser les enfants.
Le centenaire de l’EMUCI (Eglise Méthodiste Unie de Côte d’Ivoire) – 2014
ERM : Quelles relations gardent les membres de l’Eglise Protestante méthodiste de France avec les églises d’origine ?
SA : Nous retournons souvent au pays si nous en avons les moyens. A la paroisse Cité de Grâce de Nouveau Koumassi d’Abidjan, ou au Temple Emmanuel de Djegan-Kpevi à Porto-Novo au Bénin. Par ailleurs nous avons gardé la manière de vivre de nos églises d’origine.  Un membre de l’Eglise doit s’inscrire obligatoirement dans « une classe » qui est une sorte de mini-église, une cellule de prière. S’il a une prédisposition, il peut demander une formation de prédicateur par le biais de sa « classe » qui est animée par un « conducteur » ou une « conductrice ». Les « classes » se réunissent chaque semaine. Au Bénin, le membre doit également se confesser devant le pasteur. Actuellement l'organisation s’appuie sur quatre prédicateurs, deux hommes et deux femmes, qui assistent le Révérend Pasteur dans la gestion spirituelle de la communauté avec le concours des conducteurs et conductrices de classes méthodistes. Ils sont tous les quatre bi-nationaux.
ERM : Qui est votre pasteur ?
SA : Nous avons le Révérend Pasteur Tiburce  Paul KPAMEGAN, qui est en année de recherches doctorales. Il est venu le premier dimanche de l’année 2016 pour notre fête, un événement important dans notre année liturgique. Chez les protestants méthodistes, le premier dimanche de l’année est l’occasion de reprendre l’engagement avec Dieu, - je veux te servir- par un renouvellement d’alliance, une profession de foi qu’on retrouve dans une liturgie spécifique.
ERM : Quel lien voulez-vous créer avec l’EPUdF de Plaisance ?
SA : Nous sommes en France et  nous devons travailler avec les Eglises sœurs, en l’occurrence l'EPUDF dont nous partageons la sensibilité théologique et liturgique. Nous chantons en français avec le livret « Gloire à Dieu ».  Nous sommes accueillis par la paroisse de Plaisance et nous nous réunissons actuellement tous les dimanches dans un de ses locaux.
ERM : Comment votre Eglise a reçu la décision synodale de l’EPUdF concernant la bénédiction des couples de même genre ?
SA : Il y a des fidèles qui sont tombés des nues quand ils ont appris cela. La plupart ne veulent pas de ces mariages homosexuels, ils ne les approuvent pas.
J’ai participé à un séminaire théologique de la CEVAA au Bénin où j’ai eu l'occasion d'animer une rencontre commencée à 22 heures. Nous avons entrepris une longue discussion jusqu’à une heure du matin sur ce sujet. J’étais perçu comme un homme de la double-culture et on attendait de moi des explications.
Il y avait des pasteurs très opposés, spécialistes de l’Ancien Testament comme ce pasteur congolais qui refuse catégoriquement ces bénédictions. D’autres, comme ce pasteur Rwandais, souhaitaient comprendre, ne pas se cantonner dans l’opposition. Je leur ai expliqué qu’en France, l’EPUdF se veut une église de compassion qui accueille chacune et chacun, où les pasteurs sont libres de faire ou de ne pas faire des bénédictions de mariage de personnes de même genre.

Propos recueillis par Christine Villard – ERM région parisienne - Paris Montparnasse Plaisance.

lundi 29 février 2016

Portraits : deux missionnaires à la double culture - 1. Emmanuel MANYO

Camerounais, vivant depuis plus de 50 ans en France, marié à une Française, Emmanuel a cinq enfants adultes et indépendants. Il est président du Conseil des Communautés Presbytériennes Camerounaises en France (CCPCF) et membre de l’Equipe Régionale Mission (ERM) en région parisienne.
ERM : Actuellement tu es membre de la paroisse EPUdF du Foyer de l’Âme à Paris. Tu es le Vice-président de son Conseil presbytéral. Tu as récemment évoqué les difficultés de ton pays d’origine, le Cameroun. Peux-tu nous dire ce qui te touche le plus ?
EM : Je suis attaché à la France tout comme à mon pays d’origine, le Cameroun. J’y connais des personnes, là-bas comme ici. Je ne peux pas oublier le fait que là-bas, des personnes n’ont même pas de quoi survivre et qu’elles sont confrontées tout le temps à de graves difficultés économiques.
ERM : Ici aussi il y a des pauvres. Est-ce qu’au Cameroun les difficultés t’apparaissent plus graves qu’en France ?
EM : Ce sont deux aires géographiques différentes où les notions temporelles et spatiales se vivent autrement. Quand je suis là-bas –  et j’y vais presque tous les ans - je réfléchis comme là-bas et, quand je suis ici, je réfléchis comme ici. Cette double culture n’est pas facile à vivre. C’est inconfortable. Souvent je me pose la question : où est-ce que je me trouve ?
ERM : Peux-tu nous donner des exemples concrets où il y a conflit des deux cultures ?
EM : J’ai des enfants. Je ne leur ai jamais parlé des fantômes. Or dans mon enfance, j’ai été bercé par les histoires de fantômes, de revenants et d’ancêtres. Aux enfants, je ne leur ai jamais parlé des fantômes, ni de cadavres. Même le robot Goldorak était écarté. Un cadavre ne se touche pas. Mes enfants qui sont nés et ont grandi en France n’ont pas les mêmes conceptions que moi à ce sujet. Le fils plus jeune, quand sa grand-mère est décédée a pu l’embrasser. Moi je ne pouvais pas le faire et j’ai admiré mon fils qui l’a fait. A travers mes enfants, j’ai appris à ne pas avoir peur des fantômes même si je crois au panthéon des ancêtres. Aujourd’hui, je me demande ce que ces croyances changent pour moi. Rien. Je sens cette dualité dans ces deux conceptions. (NDLR : Emmanuel ne prononcera jamais le mot de mort : une personne décédée n’est pas morte)
ERM : Ce qui te touche particulièrement là-bas, ce sont les enfants abandonnés dans les rues de Yaoundé.
EM : Le développement économique ne suit pas les progrès sociaux. Par exemple, grâce aux progrès de la prophylaxie, à l’amélioration des conditions de santé, le taux de mortalité des enfants a fortement baissé mais les moyens de subsistance des familles sont insuffisants pour les familles nombreuses. Un fort exode rural a fait surgir dans les banlieues des ghettos de misère où les jeunes filles accouchent trop tôt et où se développe la délinquance. Le chômage n’est pas une notion reconnue, on est agriculteur ou on ne l’est pas. Je connais un père qui n’a pas de champ, pas de travail, et qui a neuf enfants. Que deviennent ces enfants ? Dès cinq ou six ans, certains d’entre eux se retrouvent dans la rue et ne vont pas à l’école qui est payante.
ERM : Les Eglises sont-elles présentes sur le terrain ?
EM : L’Eglise Presbytérienne du Cameroun a des écoles, mais la scolarité y est aussi payante. Je sais que partout il y a des problèmes, mais là, c’est dur de voir ces enfants abandonnés ainsi.
ERM : Comment aider ces enfants ?
EM : Le parrainage ! Mais en plus de leur apporter la nourriture, il faut les retenir pour les former. Il faut un centre pour les accueillir et les prendre en charge et les conduire vers l’autonomie. Une action modeste est en cours : dans un petit logement, une quinzaine d’enfants reçoivent chaque jour un repas. Des personnes dévouées leur donnent quelques rudiments de lecture, d’écriture et de calcul. Ils apprennent des chants et chantent une fois par mois au culte, font un peu de théâtre. Dans ces moments-là ils sont heureux. L’offrande leur sert à acheter des sacs de riz. Il y a cinq ans, j’ai créé une association pour une action culturelle : nous avons apporté seize ordinateurs. Mais l’action s’est essoufflée. Il faut que les chrétiens se mobilisent sur place, mais ils ont besoin de soutien, ils vivent au jour le jour. Il faut faire grandir cette action auprès des enfants abandonnés. Prenez contact, nous avons besoin de vous : emmanuel.manyo41@gmail.com.
Ecole du Dimanche à la paroisse de LKE LI NKEKE
Propos recueillis par Christine Villard – ERM région parisienne - Paris Montparnasse Plaisance

lundi 15 février 2016

Groupe Biblique Universitaire (GBU): la Bible en partage
S’il existe des lieux fréquentés par les jeunes, ce sont bien les petits cafés où, de mémoire d’étudiants, on refait le monde ! On peut s’y rendre pour échanger un verre, ou une parole. C’est cette dernière option qu’ont retenue les étudiants du groupe biblique universitaire de La Rochelle. Ils se retrouvent tous les mercredis dans un bar au nom prédestiné, le Théobar.


Des étudiants comme les autres

Qu’ont-ils de particulier ces jeunes du GBU ?
En apparence, rien. Ce sont des étudiants comme les autres : Nirina et Rudy en informatique, Marjolaine et Saskia en langues étrangères, Joël en géographie ... Cependant ils osent exprimer leur foi en Christ, et non seulement l’exprimer mais en vivre. Là réside sans doute la force de leur témoignage : rendre visible le lien qui les unit, cette communion fraternelle qui prend sa source en Christ et donne sens à leur vie.
D’églises particulières, ils n’en parlent pas, chacun est libre de fréquenter une communauté ecclésiale, là où il se sent appelé.


Une association loi 1901

Il existe en France 90 groupes bibliques universitaires regroupés dans une association loi 1901 dans le respect du principe de laïcité. L’association a un projet culturel. La Bible, en effet, n’est pas réservée aux croyants. Les rencontres suscitées par les GBU relèvent de la sphère publique, ce qui n’empêche pas de les placer sous le regard de Dieu. A La Rochelle une courte prière, que chacun est libre de partager, ouvre et clôt le moment de lecture et d’étude biblique.


Sola scriptura, point d’ancrage commun

Les étudiants des GBU ont un point d’ancrage commun, tous adhèrent aux principes fondamentaux de la Réforme, en particulier le Sola scriptura, l’écriture seule. Ces Ecritures, où la Parole de Dieu leur est révélée, ils souhaitent les faire connaître autour d’eux dans le partage. Alors ils en parlent. Une invitation personnelle a du poids, c’est une porte que l’on ouvre avec confiance et humilité. Ils préfèrent le bouche à oreille, plutôt que la distribution de tracts. Ils invitent leurs amis à venir lire et étudier la Bible, sans prosélytisme, dans ce lieu neutre et convivial qu’est un bar, ouvert à tous. Le nombre importe peu, seule compte la qualité de la rencontre comme occasion d’une écoute mutuelle, d’un questionnement où chacun s’exprime sans crainte d’être jugé.

Ces jeunes du GBU ne sont pas là pour convertir les gens mais pour les aimer. Faire connaître des textes porteurs d’espérance dans un monde en déshérence est un acte d’amour.


Besoin de ressourcement

Pour grandir dans leur foi les étudiants du GBU se retrouvent régulièrement


"Ensemble, grandir dans la foi"

pour prier, chez l’un ou chez l’autre. En disant ensemble la prière que le Christ a donnée à ses disciples, le « Notre Père », ils se reconnaissent frères et sœurs, sans dénomination particulière. Frères et sœurs sans frontières, sans barrières. La diversité des langues qu'ils parlent manifeste localement la réalité de l’Eglise universelle. Pour eux la parole de Jésus, dans l’évangile selon Jean 8,12 est à recevoir, hier, aujourd’hui, demain : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »
Le corps, aussi, est un langage


 
 



mardi 2 février 2016


Quand l'Église Unie de Zambie fête son jubilé

Une trentaine d’anciens missionnaires  du Zambèze région ouest de l'actuelle  Zambie - se sont rencontrés les 10 et 11 octobre derniers, comme ils le font chaque année.
Ils ont pu écouter le compte-rendu d’un groupe d’entre eux  retournés en Zambie à l'occasion du Jubilé de l’UCZ  (United Church of Zambia). En effet celle-ci  a fêté la mi-janvier ses 50 ans d’existence et elle a invité les anciens missionnaires à la fête
L’Église Unie de Zambie est le fruit du travail de plusieurs missions ou Églises : l’Église du Barotseland (issue de la Société des Missions évangéliques de Paris), la mission écossaise, la Mission méthodiste et l’Église Unie du Canada. C'est une Église vivante en pleine expansion : elle compte deux  millions de membres,  sur une population nationale de sept  millions,  et 450 pasteurs.Pour fêter son jubilé,  l’UCZ a réuni un colloque et  organisé un culte solennel au stade de Lusaka le 18 janvier.  Au cours de ce culte le premier président de la Zambie, Kenneth Kaunda, âgé de 90 ans, a lu la Bible.   Le Président de l’Alliance réformée Mondiale  a assuré la prédication et plusieurs chorales sont intervenues. 
 
Une Église en pleine croissance dans un pays en développement
Le bureau du synode  a remarquablement organisé la visite des anciens missionnaires pour qu’ils puissent visiter la région ouest, l’ancien « Zambèze » où ils ont travaillé il y a plus de 50 ans. Ils ont souvent eu l’impression de ne plus reconnaître  les lieux.  Les axes routiers principaux sont maintenant goudronnés. A Mwandi la population est passée de quelques centaines à plus de 10 000 habitants,  l’électricité a été installée. L’ancien hôpital du Dr Reuter a été repris par la mission américaine des États-Unis qui l’a bien équipé  et développé (action contre le sida, chirurgie, ferme, pisciculture, orphelinat géré par une ONG australienne). A Senanga, l'hôpital que le Dr Casalis avait créé  et qui a été longtemps actif est aujourd’hui abandonné.  En effet le gouvernement a ouvert un bel hôpital à 5 km de là, mais David Honegger a été heureux de voir le lieu où il a vu le jour.
A Livingstone, située aux bords des Chutes Victoria, les églises de l'UCZ sont aussi en pleine expansion : elles ont toutes une assistance au culte de plusieurs centaines de personnes et se voient obligées de construire de nouveaux bâtiments pouvant accueillir 1500 à 2000 personnes.
Si cette visite a comporté des aspects réellement positifs aussi bien en ce qui concerne le pays que l’Église, il est vrai également que ce pays est confronté à de sérieuses difficultés.  On peut citer celle de l’union des différentes régions ou celle de la corruption. Cette dernière a malheureusement permis à des multinationales d’obtenir des conditions d’exploitation des ressources honteusement intéressantes pour elles.
La  mission : des liens qui perdurent  et se développent de  diverses manières
L'invitation d'anciens missionnaires par l'UCZ à son Jubilé montre combien le travail accompli dans le passé a été fondamental et perdure tout en évoluant. Par ailleurs des liens nouveaux se développent d'Églises à Églises ; deux exemples : l'échange jeunesse entre l'Église unie de Zambie et l'Église évangélique du Lesotho avec le soutien de la Cevaa,  le  jumelage  l'Église Protestante Unie du Bocage normand avec des paroisses de Zambie avec le soutien du Défap.
 
 
 

mardi 19 janvier 2016

Mission : éducation

Entretien avec Adrien Chaboche secrétaire général du scoutisme unioniste depuis 2012.

FT : Pouvez-vous me dire ce qui vous a conduit à vos actuelles responsabilités dans les EEUDF ? Quel est votre parcours ?
AC : Né dans une famille mixte, avec un père catholique et une mère protestante, j’ai été élevé dans le protestantisme, et j’ai eu de nombreux engagements dans le scoutisme. Après avoir fait des études de droit, j’ai été chargé de cours en même temps que je commençais une thèse. Mais j’ai vite ressenti le besoin d’un engagement plus concret dans la réalité sociale. Alors j’ai travaillé pendant deux ans dans l’association Terre des hommes France dont l’objectif est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans les pays du sud. Puis ce fut la Cimade pendant 6 ans, en tant que responsable de la communication et de développement des ressources. En 2012, quand j’ai appris que le poste de secrétaire général des EEUDF s’ouvrait, j’ai décidé de poser ma candidature.

FT : Vous aviez envie d’un retour aux sources ? Ou besoin de changement ?
AC : Plus exactement, j’ai voulu travailler avec la jeunesse. Dans mes engagements précédents je tâchais de lutter à ma mesure contre les injustices et les misères du monde. Avec les jeunes, on agit en amont. C’est avant tout par l’éducation que l’on peut changer le monde, « créer un monde meilleur ». Le projet éducatif est au cœur de ma mission.

FT : Comment articulez-vous cette mission avec la foi chrétienne ? Y a-t-il un lien explicite, ou seulement implicite ?
AC : Il faut distinguer la question des relations avec l’Eglise, et la question de la foi, ce n’est pas la même chose. Avec l’Eglise, les liens des EEUDF ont été réaffirmés depuis 2008, après toute une période où ils s’étaient beaucoup distendus. Mais nous ne sommes pas un mouvement d’Eglise. Nous nous situons au seuil, et c’est très important.

FT : Dans quel sens ?
AC : Dans les deux sens ! Du côté de la société cela permet à qui veut, protestant ou non, chrétien ou non, d’entrer dans le mouvement et d’y trouver sa place. D’ailleurs, une part significative, et peut-être même la majorité de nos membres, n’appartient pas au protestantisme. Et du côté de l’Eglise,
cette situation au seuil offre aux jeunes une ouverture vers l’extérieur, tout en bénéficiant d’un cadre éducatif marqué par les valeurs protestantes.

FT : Quelle est la place de la Bible dans ce projet éducatif ?
AC : Elle est au cœur, mais pas dans une volonté catéchétique. Ce qui nous semble important, c’est de développer la dimension spirituelle des jeunes, et nous le faisons à partir de la lecture de la Bible. Nous n’avons pas pour mission de les convertir, mais de leur offrir un cadre propice à la croissance du grain de foi.

FT : Mais c’est aussi ce qui se fait à l’école biblique ou au catéchisme ? Quelle est la différence ?
AC: Dans un cas, nous voyons des enfants envoyés par leurs parents pour une intégration dans l’Eglise protestante, dans l’autre nous avons des enfants issus de différents milieux, dont des familles musulmanes par exemple, pour qu’ils fassent l’expérience d’une vie de groupe, différente de celle qu’ils vivent au quotidien, et fondées sur certaines valeurs éthiques protestantes comme le partage, l’entraide, la responsabilité vis-à-vis des plus jeunes… Un point très important pour moi, c’est l’apprentissage de la simplicité de vie, dans la nature, en collectivité.

FT : Et que faites-vous avec les aînés ?
AC : Entre 16 et 19 ans, nous essayons particulièrement d’ouvrir les jeunes au monde à travers la construction de projets. Et ceux-ci sont souvent humanitaires et internationaux. Nous proposons d’ailleurs une formation à la solidarité internationale sur deux week-ends. Mais aujourd’hui nous visons plutôt des voyages de rencontres, notamment avec les scouts des autres pays, avec la perspective d’un voyage retour.

FT : Avez-vous des relations avec les autres familles du scoutisme ? 
AC : Evidemment, nous rencontrons les scouts catholiques, les éclaireurs israélites, les scouts musulmans et les éclaireurs de France qui développent un programme spirituel laïque. Il existe une action « Vis mon camp » qui pousse les uns et les autres à se visiter pendant une journée lors des camps d’été, et à organiser d’autres rencontres pendant l’année. Et au sein du protestantisme, nous avons une plateforme qui regroupe des jeunes de la Fédération protestante et du Conseil national des Eglises évangéliques. Et cela marche bien.

FT : En termes de nombre que représente aujourd’hui le scoutisme ?
AC : Pour les EEUDF 6000 membres dont 4500 jeunes et 1500 cadres. Mais en tout il y a environ 10000 scouts protestants. Et environ 110000 catholiques.

FT : Et quel public touchez-vous ?
AC : Vous touchez là un problème : le scoutisme est né dans et pour les milieux populaires. Aujourd’hui nous recrutons essentiellement dans la couche aisée de la population. Dans le champ du scoutisme protestant, d’autres mouvements comme celui de l’Armée du Salut touchent encore des milieux moins favorisés. Ce peut être un vrai défi et une belle mission éducative pour nous que toucher un nouveau public, même si cela nous demande d’adapter certaines de nos pratiques.