mardi 31 mai 2016

Brice Deymié, aumônier général des prisons

Entretien avec Brice Deymié, aumônier général des prisons pour la Fédération protestante de France
FT : - Brice, d’où vous vient votre vocation ?
BD : - Mon parcours est assez classique. Elevé dans une famille protestante, à moitié alsacienne à moitié montalbanaise, je souhaite assez tôt devenir pasteur mais mon père m’encourage à faire d’autres études avant, pour mûrir mon choix. En fils obéissant, je m’inscris aux langues’o et je fais cinq ans de chinois, puis mon service militaire,  puis enfin des études de théologie. Et je deviens pasteur à l’âge de trente ans. Je suis marié avec une journaliste, aujourd’hui dans la presse féminine,  après avoir longtemps travaillé dans la presse musicale.
FT : Qu’aimez-vous particulièrement dans votre ministère ?
BD : Très tôt j’ai eu envie de réfléchir sur Dieu.  Or il se trouve que mon grand-père paternel étant presque aveugle mes frères et moi, quand nous venions en vacances chez lui à Montauban,  devions lui lire la presse quotidienne, Le Monde, la Dépêche du Midi, des papiers administratifs et …la Bible… Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était la commenter !
Alors, dès l’âge de douze ans,  ce texte m’a façonné. Mais toujours comme un texte à commenter, à décortiquer, à mâcher. Le Dieu naïf de mon enfance a rapidement fait place à un Dieu qui se donne à lire dans la complexité de sa révélation. Dans la famille il n’y avait aucune question taboue sur la foi. Mes parents et mes grands-parents avaient la conviction d’une grande supériorité du protestantisme sur toutes les autres religions. J’avais un oncle pasteur et professeur de théologie à Genève. Il écrivait des livres qu’adolescent j’essayais de comprendre sans beaucoup de succès ;  mais je savais que l’on pouvait faire des études de théologie.
J’ai longtemps hésité entre agriculture et théologie, et ce fut théologie !  Parfois je regrette un peu de n’avoir pas fait les deux. Le rapport brut à la terre et à l’animal me manque.
J’ai été pasteur en paroisse dans les Yvelines et à Paris, la profession de ma femme ne nous permettant pas beaucoup de nous aventurer loin de Paris. Il se trouve qu’en plus de la paroisse j’ai toujours desservi une prison.
Ce que je préfère dans le ministère pastoral c’est le culte du dimanche matin. C’est ce qu’il y a de plus important dans la vie paroissiale et j’aurais souhaité que le dimanche entier devienne le jour de l’Eglise, comme dans beaucoup d’endroits de par le monde, quelque chose à la fois de festif et de sérieux. Pour les jeunes et les moins jeunes.  A Paris c’est difficile. Ce qui est très important, c’est de travailler la prédication, deux jours de travail plein par semaine. Puis-je le dire ici ?  Beaucoup de prédications que j’ai l’occasion d’entendre souffrent d’un manque évident de travail.
Mais  quand on est pasteur de paroisse on se disperse trop à des tâches annexes. Je me rappelle d’un de mes professeurs qui nous disait qu’il ne fallait pas avoir peur de la page blanche de notre agenda.  La chance de notre protestantisme luthéro-réformé c’est la qualité de sa réflexion théologique, c’est la pertinence de nos questions, ne jamais se contenter de mots d’ordre  et d’histoires pieuses qui rassurent…..

La deuxième partie de cet article sera publiée le mardi 14 juin. Brice Deymié nous parlera de son ministère d’aumônier des prisons.

mardi 17 mai 2016

Montrer la bonté de Dieu à travers la beauté du monde

Entretien avec Marie-Hélène Geoffroy rencontrée au synode Nord-Normandie pour le Blog du Forum
Mission : montrer la bonté de Dieu à travers la beauté du monde
Florence Taubmann : Marie-Hélène, je vois devant moi un magnifique comptoir-librairie, avec des livres théologiques, mais aussi des ouvrages d’art … des cartes-dessins ! Vous êtes une artiste ?
MHG : Oui je suis graveur sur cuivre et acier, mais j’utilise aussi d’autres métaux et des pierres précieuses. Je suis particulièrement sensible à la beauté, au langage de la beauté, qu’il s’agisse de la nature ou des œuvres d’art. Alors vous imaginez, en épousant un pasteur protestant, moi qui suis d’origine catholique, j’ai rencontré une tradition qui au contraire marque une certaine réserve par rapport à l’esthétique. J’avoue avoir été parfois un peu rebutée par l’austérité protestante, même si je me suis trouvée bien dans ma nouvelle famille spirituelle.
FT : Comment est né votre projet d’édition ?
MHG : Mon mari et moi sommes passionnés par les livres, notamment ce qui touche à l’illustration et aux images. Comme ce n’est pas du tout le créneau d’Olivetan, nous avons éprouvé depuis un certain temps le désir de nous lancer nous-mêmes dans l’édition. Aussi lorsqu’une amie nous a proposé de réaliser des kamibishaïs, nous avons franchi le pas.  
FT : Des kamibishais ? Qu’est-ce que c’est ?
MHG : Littéralement cela signifie en japonais « pièce de théâtre sur papier ». C’est une sorte  de théâtre ambulant où des artistes racontent des histoires en faisant défiler des illustrations devant les spectateurs. Depuis les années 1970, le kamishibai s'est répandu dans largement en s’adaptant aux conditions culturelles des pays d'accueil. 
FT : Et vous utilisez cette technique pour raconter la Bible ?
MHG : Oui, nous aurons bientôt plus d’une trentaine  de Kamibishaïs, sur Caïn et Abel, Abraham, Moïse, Jonas…. Jésus et des histoires des Evangiles…. C’est un très bon moyen d’animation pour les groupes d’enfants, mais aussi pour les adultes…. Cela permet de transmettre les récits bibliques  de manière vivante, en ménageant des surprises, des émotions, et en appelant des commentaires. 
Le Pasteur Isabelle Bousquet
FT : Vous avez également publié des livres sur les plantes et les animaux de la Bible, l’Ecclésiaste…. et bien d’autres.
MHG : Oui, il s’agit toujours de faire entendre, lire et voir … ce qui peut, grâce à la beauté,  nous conduire à faire l’expérience de Dieu.  Vous pouvez voir tout ce que nous faisons sur notre site : http://www.passiflores.com/
Éditions Passiflores L’Herbaille Le Bourg de Boyer F - 71700 TOURNUS

mardi 3 mai 2016

Groupe de maison - Témoins et solidaires



Depuis quelques années, en périphérie des centres de rencontres paroissiaux, fleurissent  des groupes de maison. Paul et Christiane Mercier ont essayé la formule en ouvrant leur maison de Dompierre- sur- Mer en Charente- Maritime, située à une dizaine de kilomètres du centre protestant de l’Église protestante unie de La Rochelle.
Trois questions à  Christiane Mercier
Comment vous est venue l’envie d’organiser un groupe de maison chez vous ?
Cette décision est née au lendemain d’un grave accident cardiaque de mon mari. Il était comme mort, mais après  trente- cinq minutes de défibrillation et de prière, il est revenu à lui.
Ce temps retrouvé a été le déclic. Nous avons rendu grâce pour ce que nous avons reçu comme un supplément de vie et il n’était pas question de gaspiller une miette de ce don.
Étant âgés, il nous était difficile de participer aux activités habituelles de la paroisse, mais nous avions grande envie de rencontrer les uns et les autres, en particulier nos voisins. Ce n’était pas uniquement pour avoir des visites, bien qu’elles soient très précieuses, c’était le besoin de continuer ce que nous avons toujours essayé  d’être, présents au monde et aux autres. En 1952 nous avions fait une demande pour être missionnaires…
Nous avons parlé de notre projet à notre pasteur qui nous a encouragés.
Considérez-vous votre groupe comme une antenne des activités paroissiales ?
Bien qu’en lien avec l’église locale, en particulier par la participation de notre pasteur,  nous nous situons  plutôt par rapport à notre foi. Nous sommes chrétiens, de confession protestante. Ce qui nous importe avant tout c’est de croiser nos regards, nos convictions, nos doutes avec d’autres personnes, croyantes ou non… Nous essayons d’apporter un regard chrétien sur les grands problèmes qui traversent notre société. Pour cela le groupe partage un temps d’échange puis de convivialité autour d’une agape.
Cela permet à chacun de s’exprimer, voire de se confier, et de découvrir des échos bibliques à nos réflexions.
Quels sont les sujets que vous abordez ?
Nous avons intitulé notre groupe de maison «  Témoins et solidaires ». Par ce titre nous signifions que nous voulons nous laisser interpeller par le monde. Nous sommes âgés maintenant, mais ce n’est pas une raison pour renoncer à notre engagement. Nous avons une grande partie de notre vie été des piliers de la Mission populaire évangélique. Le groupe de maison est pour nous une expérience nouvelle. Préparer les réunions nous oblige à creuser le sujet, en sélectionnant des articles, des textes, en invitant des intervenants reconnus dans leur spécialité. Nous avons abordé jusqu’à présent des thèmes aussi variés que la faim dans le monde, le statut de la femme, la fin de vie, la laïcité, l’écologie, la nutrition… A chaque fois nous nous posons la question : Comment en tant que citoyens sommes-nous interpellés ?  Le fait d’être chrétiens  nous engage-t-il  différemment? Quelle parole osons-nous ? Une chose est sûre, en tout cas, si nous ne pouvons pas aller physiquement vers le monde, en ouvrant notre porte, c’est lui qui vient à nous. Bien que nous soyons immobiles, notre bâton de pèlerin nous mènera... Nous sommes en chemin avec les  autres, vers les autres, avec le sentiment d’appartenir à la même communauté humaine, d’avoir des choses à donner et à recevoir …

Propos recueillis par Janick Pilot