mardi 19 janvier 2016

Mission : éducation

Entretien avec Adrien Chaboche secrétaire général du scoutisme unioniste depuis 2012.

FT : Pouvez-vous me dire ce qui vous a conduit à vos actuelles responsabilités dans les EEUDF ? Quel est votre parcours ?
AC : Né dans une famille mixte, avec un père catholique et une mère protestante, j’ai été élevé dans le protestantisme, et j’ai eu de nombreux engagements dans le scoutisme. Après avoir fait des études de droit, j’ai été chargé de cours en même temps que je commençais une thèse. Mais j’ai vite ressenti le besoin d’un engagement plus concret dans la réalité sociale. Alors j’ai travaillé pendant deux ans dans l’association Terre des hommes France dont l’objectif est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans les pays du sud. Puis ce fut la Cimade pendant 6 ans, en tant que responsable de la communication et de développement des ressources. En 2012, quand j’ai appris que le poste de secrétaire général des EEUDF s’ouvrait, j’ai décidé de poser ma candidature.

FT : Vous aviez envie d’un retour aux sources ? Ou besoin de changement ?
AC : Plus exactement, j’ai voulu travailler avec la jeunesse. Dans mes engagements précédents je tâchais de lutter à ma mesure contre les injustices et les misères du monde. Avec les jeunes, on agit en amont. C’est avant tout par l’éducation que l’on peut changer le monde, « créer un monde meilleur ». Le projet éducatif est au cœur de ma mission.

FT : Comment articulez-vous cette mission avec la foi chrétienne ? Y a-t-il un lien explicite, ou seulement implicite ?
AC : Il faut distinguer la question des relations avec l’Eglise, et la question de la foi, ce n’est pas la même chose. Avec l’Eglise, les liens des EEUDF ont été réaffirmés depuis 2008, après toute une période où ils s’étaient beaucoup distendus. Mais nous ne sommes pas un mouvement d’Eglise. Nous nous situons au seuil, et c’est très important.

FT : Dans quel sens ?
AC : Dans les deux sens ! Du côté de la société cela permet à qui veut, protestant ou non, chrétien ou non, d’entrer dans le mouvement et d’y trouver sa place. D’ailleurs, une part significative, et peut-être même la majorité de nos membres, n’appartient pas au protestantisme. Et du côté de l’Eglise,
cette situation au seuil offre aux jeunes une ouverture vers l’extérieur, tout en bénéficiant d’un cadre éducatif marqué par les valeurs protestantes.

FT : Quelle est la place de la Bible dans ce projet éducatif ?
AC : Elle est au cœur, mais pas dans une volonté catéchétique. Ce qui nous semble important, c’est de développer la dimension spirituelle des jeunes, et nous le faisons à partir de la lecture de la Bible. Nous n’avons pas pour mission de les convertir, mais de leur offrir un cadre propice à la croissance du grain de foi.

FT : Mais c’est aussi ce qui se fait à l’école biblique ou au catéchisme ? Quelle est la différence ?
AC: Dans un cas, nous voyons des enfants envoyés par leurs parents pour une intégration dans l’Eglise protestante, dans l’autre nous avons des enfants issus de différents milieux, dont des familles musulmanes par exemple, pour qu’ils fassent l’expérience d’une vie de groupe, différente de celle qu’ils vivent au quotidien, et fondées sur certaines valeurs éthiques protestantes comme le partage, l’entraide, la responsabilité vis-à-vis des plus jeunes… Un point très important pour moi, c’est l’apprentissage de la simplicité de vie, dans la nature, en collectivité.

FT : Et que faites-vous avec les aînés ?
AC : Entre 16 et 19 ans, nous essayons particulièrement d’ouvrir les jeunes au monde à travers la construction de projets. Et ceux-ci sont souvent humanitaires et internationaux. Nous proposons d’ailleurs une formation à la solidarité internationale sur deux week-ends. Mais aujourd’hui nous visons plutôt des voyages de rencontres, notamment avec les scouts des autres pays, avec la perspective d’un voyage retour.

FT : Avez-vous des relations avec les autres familles du scoutisme ? 
AC : Evidemment, nous rencontrons les scouts catholiques, les éclaireurs israélites, les scouts musulmans et les éclaireurs de France qui développent un programme spirituel laïque. Il existe une action « Vis mon camp » qui pousse les uns et les autres à se visiter pendant une journée lors des camps d’été, et à organiser d’autres rencontres pendant l’année. Et au sein du protestantisme, nous avons une plateforme qui regroupe des jeunes de la Fédération protestante et du Conseil national des Eglises évangéliques. Et cela marche bien.

FT : En termes de nombre que représente aujourd’hui le scoutisme ?
AC : Pour les EEUDF 6000 membres dont 4500 jeunes et 1500 cadres. Mais en tout il y a environ 10000 scouts protestants. Et environ 110000 catholiques.

FT : Et quel public touchez-vous ?
AC : Vous touchez là un problème : le scoutisme est né dans et pour les milieux populaires. Aujourd’hui nous recrutons essentiellement dans la couche aisée de la population. Dans le champ du scoutisme protestant, d’autres mouvements comme celui de l’Armée du Salut touchent encore des milieux moins favorisés. Ce peut être un vrai défi et une belle mission éducative pour nous que toucher un nouveau public, même si cela nous demande d’adapter certaines de nos pratiques.



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