mardi 22 septembre 2015

Une vocation ! Une maison ! Un quartier ! (1)

Le pasteur Pierre-Olivier Dolino
La Mission s’écrit au pluriel. Nous attendons vos témoignages… mais si vous le préférez, vous pouvez aussi nous suggérer - ou accepter - de vous faire interviewer... Comme le Pasteur Pierre-Olivier Dolino, de la Mission Populaire Evangélique en poste au Foyer de la Duchère à Lyon.

F.T: Pierre-Olivier, cela fait maintenant 8 ans que vous êtes au Foyer de la Duchère à Lyon, dans le cadre de la Mission Populaire Évangélique. De quand date cette oeuvre?

P-O.D: Elle est née au lendemain de la Commune, en 1871, de la visite que réalisa le pasteur anglais Robert Mac All du Paris ouvrier très éprouvé par les combats et la répression de la Commune de Paris. On cite souvent cet appel que lui aurait lancé un ouvrier le jour de sa venue à Belleville: « Êtes-vous un ecclésiastique? Monsieur, j’ai quelque chose à vous dire. Dans ce quartier qui contient des ouvriers par dizaines de mille, nous ne pouvons accepter une religion imposée mais si quelqu’un venait prêcher un autre genre de religion, une religion de liberté et de réalité, alors beaucoup d’entre nous serions prêts à l’écouter ».
Mac All répondit en créant un premier foyer d’évangélisation et d’éducation populaire, et, devant le succès, les salles se multiplièrent. A sa mort en 1893, il laissait 136 salles d’évangélisation et un grand nombre d’œuvres sociales.


Le foyer protestant de La Duchère
F.T: Aujourd’hui la mission populaire apparaît parfois plus comme un centre social que comme un lieu d’évangélisation. Est-ce cet aspect social qui vous a motivé dans le choix de votre ministère?

P-O.D: Attention ! Mac All se vivait comme un missionnaire chargé d’amener les ouvriers à l’Evangile. Et la Mission Populaire est une association cultuelle, régie par la loi de 1905. Mais c’est vrai que très tôt dans son histoire se sont posées ces questions: faut-il une évangélisation explicite, pour faire des membres d’Eglise, ou une évangélisation seulement implicite, par la présence et la solidarité, afin de ne pas rebuter des gens qui ne seraient pas prêts à croire? Et jusqu’où doit-on accepter ou éviter un engagement politique? L’ouverture voulue par la Mission Populaire a fait que peu à peu, on a privilégié le témoignage en actes, la rencontre de l’autre. A la Mission populaire, on appelle les lieux des fraternités ou des foyers. C’est très parlant. Il s’agit d’être, dans un quartier, au milieu des autres, avec les autres, pour les autres, quels qu’ils soient, et de leur offrir une vraie maison, un lieu de vie fraternelle. Autour de cela s’organisent les activités, notamment éducatives et culturelles. Alors quand le public est très divers, avec des gens de religions différentes et des non croyants, on apprend à parler autrement, en évitant tout ce qui pourrait ressembler à du prosélytisme. Mais on célèbre aussi le culte à la Mission populaire, on vit également des célébrations avec d’autres dans le quartier, on a des partages bibliques… Alors pour répondre à votre question, c’est très important pour moi de travailler à l’équilibre entre les deux aspects: social et évangélique.







L'accueil du Foyer
F.T: Vous venez de la mission populaire ?

P-O.D: Je viens du milieu réformé, et dans le cours de mes études, j’ai fait un stage dans une paroisse de campagne. Mais lors d’un week-end avec la Mission dans l’Industrie en Région Lyonnaise, j’ai vécu un véritable appel à aller vers le monde du travail. Et j’ai commencé tout de suite comme proposant au Picoulet, à Paris, où je suis resté 7 ans. Ce qui me plaît c’est la diversité, le côté sans frontière. C’est un peu «écartelant», mais c’est là que je me sens à ma place. Alors, il faut absolument dépasser le débat implicite ou explicite. Ce qui est important c’est de s’adapter aux personnes qui viennent vers nous. Et cela d’autant plus qu’il y a beaucoup de diversité autour des Fraternités.

F.T: Justement, parlez-nous un peu de votre quartier.

P-O.D: La Duchère est un quartier de Lyon qui a été urbanisé dans les années 60, d’abord pour faire face à la grande pénurie et loger les ouvriers des usines locales, puis pour accueillir les rapatriés d’Afrique du Nord à la fin de la guerre d’Algérie. Un peu plus tard sont arrivés des immigrés du Maghreb, et toute cette population a dû faire face à l’inexorable montée du chômage à partir des années 90. Créé en 1963 à l’initiative des protestants lyonnais, le foyer a accompagné toutes les transformations du quartier sur quarante ans. Grâce à l’engagement d’une soixantaine de bénévoles, il est vraiment bien inséré dans le tissu social, ecclésial et culturel du quartier et plus largement de Lyon. Et le travail dans trois directions complémentaires: le cultuel, le culturel et le social. Cet équilibre est essentiel et c’est ce qui nous a permis depuis longtemps de travailler en particulier à la fraternité interreligieuse. Une des réussites est le groupe Abraham qui réunit depuis 30 ans des chrétiens, des juifs et des musulmans, et qui fait un excellent travail, reconnu, non seulement dans le quartier, mais également au niveau des pouvoirs publics de Lyon.
Visages JL Leclerc, exposé au Foyer


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