FT : Brice
Deymié je vous ai toujours connu « en prison » ! Etait-ce un
choix de votre part ? Qu’y avez-vous découvert ? Cela vous-a-t-il
transformé ?
BD : J’ai
découvert l’aumônerie de prison non par choix mais par volonté de la paroisse
de Versailles. A mon arrivée comme
proposant on m’a dit que je devais desservir la prison ; c’était en
quelque sorte dans le cahier des charges de la paroisse (cela a bien changé
depuis hélas !!!). Je n’avais pas envie d’y aller car le monde de la
prison m’était totalement étranger et je n’avais pas été formé pour cela.
Heureusement un laïc de la paroisse était déjà aumônier ; c’est avec lui
que j’ai appris le métier et que la vocation m’est venue. Je ne le remercierai
jamais assez. Il s’appelait Paul Gaudenzi, il est mort il y a quelques années.
L’inattendu de la prison c’est que dans ce milieu de promiscuité et de
violence, dans ce monde que l’on pense abandonné de Dieu, à l’instar du livre
de Carlo levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli, on l’y découvre quand même, là
où l’humanité persiste à croire qu’une espérance est possible. Forcément la
prison ça transforme. En prison on ne rencontre pas des gens ordinaires, on
rencontre des parcours de vie totalement fracassés. Et ces vies, qui ont conduit à des actes criminels ne
peuvent pas nous laisser indifférents. On partage une commune humanité ! Et
justement, où va l’humanité ?
Essayons par ne pas être submergés par l’inhumanité.
FT : Quelles
sont vos responsabilités actuelles ?
BD : Je suis actuellement aumônier national des prisons pour la Fédération protestante de France, c’est-à-dire que je m’occupe des quelques 320 aumôniers protestants qui exercent leur ministère dans les 190 établissements pénitentiaires que comptent la Métropole et l’Outre-Mer. Je suis le vis-à-vis de l’Administration pénitentiaire pour les questions qui ont trait à ‘aumônerie. Tous nos aumôniers sont bénévoles et sont pour 60% d’entre eux des laïcs. Ils sont issus de toutes les Eglises membres de la FPF et pour 24% d’entre eux d’Eglises non-membres de la FPF. 20% des aumôniers sont issus de l’EPUF.
BD : Je suis actuellement aumônier national des prisons pour la Fédération protestante de France, c’est-à-dire que je m’occupe des quelques 320 aumôniers protestants qui exercent leur ministère dans les 190 établissements pénitentiaires que comptent la Métropole et l’Outre-Mer. Je suis le vis-à-vis de l’Administration pénitentiaire pour les questions qui ont trait à ‘aumônerie. Tous nos aumôniers sont bénévoles et sont pour 60% d’entre eux des laïcs. Ils sont issus de toutes les Eglises membres de la FPF et pour 24% d’entre eux d’Eglises non-membres de la FPF. 20% des aumôniers sont issus de l’EPUF.
FT : Y a- t- il
un travail œcuménique en prison ? Et interreligieux ? :
BD : Pour
des raisons liées à l’histoire, les aumôniers chrétiens sont les plus nombreux
dans les prisons françaises (1000 aumôniers chrétiens environ) alors qu’il n’y
a que 200 aumôniers musulmans. Cette disproportion est due, d’une part à la
difficulté de l’Islam de France à organiser ses courants, et d’autre part au fait que le recrutement
d’aumôniers est difficile parce que le travail diaconal en prison ne fait pas
du tout partie des coutumes musulmanes, de l’ecclésiologie oserai-je dire. Les
musulmans demandent au gouvernement que l’aumônier de prison puisse avoir un
statut de salarié comme celui des aumôniers militaires ou des aumôniers des
hôpitaux. Dans la mesure du possible, nous essayons de montrer aux détenus que
les religions peuvent s’entendre entre elles. Pour moi c’est un témoignage
fondamental, au milieu d’une époque troublée et de recherche identitaire
frénétique. Le chacun pour soi et Dieu
reconnaîtra les siens est une attitude suicidaire. Beaucoup d’initiatives
œcuméniques ont lieu dans les prisons françaises, et quelques timides avancées
inter-religieuses. La tâche à accomplir est énorme.
FT : Vous êtes favorable à « la justice
restaurative ». De quoi s’agit-il ?
BD La
justice restaurative considère que le crime ou le délit, ce n’est pas d’abord une loi que l’on enfreint,
mais des liens que l’on brise. La justice restaurative va s’attacher à
identifier ces liens, et à mesurer l’importance de la restauration à envisager.
Pour donner un exemple : Si l’on vous vole votre voiture, votre objectif
sera-t-il de voir le coupable aller en prison ou que l’on vous restitue votre
véhicule ? La justice restaurative travaille pour que l’infracteur, de
lui-même, restitue la chose volée et peut-être s’excuse. La justice
restaurative s’applique aussi à des crimes plus graves, même si la rencontre
entre victimes et infracteurs ne pourra pas se fonder sur la restitution de la
chose enlevée mais sur les conséquences du crime sur la victime. A ce sujet je vous invite à lire le livre
d’Howard Zehr, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique
punitive, Genève, Labor et
Fides, 2012.
FT : Et vous me parliez
du cas de la Nouvelle Calédonie ?
En Nouvelle Calédonie, il est maintenant possible
d’introduire une partie du droit coutumier dans le droit pénal. Autrefois ce
n’était possible que dans le droit civil. Ce droit coutumier a évidemment
beaucoup de choses à voir avec la justice restaurative.
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